Trois mille huit cent quatre vingt quatorze météorites... trois mille huit cent quatre vingt quinze météorites... trois mille huit cent qua...
Un poisson qui sauta joyeusement à la surface me fit sursauter.Encore une fois, je scrutai les alentours. Seule. Combien de fois avais-je songé à ce mot ? J'avais beau mélanger toutes les lettres pour former Leuse, Ulese, Usele, il me paraissait toujours aussi triste et descriptif de mon existence.
Allez, Luna, combat ton lunatisme !
Je me demandais parfois si ce mot avait été inventé pour moi. J'étais souvent sujette aux changements d'humeur... j'avais l'impression d'être un rat de laboratoire sur lequel un Bipède s'amusait.
Quels Bipèdes ? Ils sont morts ? Ils font désormais partie des nombreuses espèces disparues ! Tout comme les donisaures, non les Sodonires... les Rodinaures... Les... aah ! Saleté de poisson.
D'un geste furieux, je sortis mes griffes et me saisis du thon qui se débattit furieusement, en m'éclaboussant d'eau fraiche et salissant mes narines d'une abominable puanteur.
J'écrabouillai l'animal en m'amusant autant qu'une petite panthère. C'était d'ailleurs ce que j'étais. Une jeune panthère sans parents (proches et aimants) à la libido surdéveloppée.
Je suis répugnante.
J'avalai rapidement le poisson puis me rallongeai en attendant que quelqu'un, quelque chose, me dise de bouger mes fesses de là alors que je demeurai ici, telle une idiote couchée sur le dos, écoutant le bruit de l'eau qui s'écoulait dans le Fleuve.

Cassiopée, s'ennuyant profondément, avait décidé de faire un petit tour de l'autre côté de la frontière. La panthère noire ne tenta pas de se cacher : sa fourrure d'encre l'aurait aussitôt trahie. A peine arrivée, elle ne fut pas déçue : elle aperçut une panthère des neiges qui pêchait. Cassiopée s'amusa de ce spectacle avant de s'approcher d'elle.
Je me demande quel est son don. De toute façon, si elle tente de m'attaquer, elle ne sera pas déçue du résultat...
C'est donc confiante que la panthère s'approcha de l'Arrézienne. Sans s'embarrasser d'inutiles politesses, elle se présenta directement.
-Je suis Cassiopée, Chef des nobles Athéniens. Ravie de te rencontrer...
L'ironie était perceptible dans sa voix. La panthère des neiges semblait jeune, et peu expérimentée. Cassiopée se demanda quel poste elle occupait. Néanmoins, elle attendit sa réponse avant de poursuivre la conversation.

Soudain, une voix m'arracha à ma petite partie de pêche. Quelque peu ironique, fière et assurée, elle me hérissait le poil. J'avais aussitôt deviné que c'était une Athénienne, non pas parce qu'elle l'avait dit mais parce que ça s'entendait. les Athéniens avaient tendance à s'affirmer oralement, les Arréziens physiquement. J'avais appliqué la première pratique durant des années, aussi j'avais l'habitude d'entendre ces phrases enveloppées dans une bulle de sûreté.
- Oh, ravie, répondis-je de la même façon. Et je suppose que vous avez décidé de dépasser les frontières qui vont ont été imposées afin de pénétrer sur nos terres - ce qui n'est absolument pas en votre droit, aussi, je m'attendrais à recevoir une justification...
C'était ainsi que mes parents s'exprimaient, ainsi que j'avais grandis. Il me parut naturel de prononcer ces paroles bien que, lorsque mes prédécesseurs m'avaient entendu parler ainsi, ils m'avaient supplié d'arrêter mes manières.
Elle aura sans doute des hésitations quand à la nature de mon clan.
J'envoyai une petite décharge électrique à travers la terre, destinée à atteindre l'Athénienne. Aussitôt, je ressentis ma propre décharge revenir brutalement dans mon corps, faisant grésiller mes muscles et accélérer le battement de mon cœur. C'était sûrement le Don de cette Athénienne. Aussi, afin de ne pas me blesser, je renvoyai une petite décharge, que je fis cependant trépider sous les pattes de la femelle qui devait sûrement ressentir un bourdonnement sous son corps.
Je me retournai paisiblement. Une grand panthère noire aux yeux bleus se tenait devant moi.

Gonflée d’orgueil et d'importance, Cassiopée sentit une puissance nouvelle grandir en elle quand l'Arrézienne reçut sa propre décharge. La panthère noir serra les dents en attendant que la douleur passe : ce Don était vraiment redoutable.
-Je ne tiens pas compte des frontières. Je vais où je veux et quand je le veux. Je n'ai pas à me justifier. Mais puisque tu sembles demander une excuse valable, sache que je suis venue ici pour que vous sachiez qui je suis ; cela te convient-il ?
La panthère noire releva la tête. Le temps où elle se laissait marcher sur les pattes était révolu. Et ce n'était pas une panthère d'une quinzaine d'années qui allait y changer quelque chose.
-Tu as certainement compris qu'il est inutile de m'attaquer avec ton Don, ou tu recevras exactement la même chose. Tu m'as l'air jeune. Quel poste occupe-tu ?
Se pourrait-il qu'elle soit Chef ?
La panthère noire posa ses yeux bleus sur son adversaire. Elle lui rappelait un peu sa sœur. Elle se gifla mentalement : elle s'était pourtant promis de ne plus repenser à elle.
Le passé est le passé.

Je haussai les sourcils, guère impressionnée.
- Ainsi, tu es comme tous les Athéniens : incapable de vivre sans une grande popularité, dégoulinant d'orgueil, puant l'intellectualisme pur, simple et moqueur...
Si elle croit que je vais me laisser faire sur mes terres, et avec mon statut, elle se met la griffe tout au fond de son rec...
- Serais-tu la réincarnation d'un de ces anciens "polquiciers" ? Ou "policiers" ? Quoi qu'il en soit, je n'ai absolument aucune raison de te fournir plus d'informations sur moi que tu n'en disposes actuellement : une panthère des neiges de sexe féminin, à la quinzaine. C'est suffisant, non ? Moi je pense que tu es un rat noir septuagénaire à la substance spongieuse et au caractère dur et suffisant.
Il aurait fallut être idiot pour ne pas deviner mes origines.
Elle va s'énerver, en tout cas.

Cassiopée haussa les sourcils. Ce manque de respect de la part de cette ennemie ne lui plaisait pas vraiment.
-Mais pour qui te prends-tu donc ? Tu n'étais pas encore née qu'on m'envoyait déjà au combat. Ta maman ne t'a pas appris le respect ? Mais en fait, ça ne m'étonne même pas. Vous les Arréziens, vous ne jurez que par la bagarre. C'est bien la peine d'avoir un cerveau si on ne sait pas s'en servir...
L'envie de régler son compte à cette petite effrontée démangeait Cassiopée. Néanmoins, la panthère noire garda son calme.
-Tu as de la chance, je suis de bonne humeur aujourd'hui. En temps normal, je t'aurais déjà réglé ton compte. Et puisque, comme tu le dis si bien, je n'ai rien à savoir de toi, je vais plutôt aller interroger les autres membres de ton clan.
Réprimant un fou rire, elle fit mine de s'enfoncer dans le territoire Arrézien, impatiente de voir comment allait réagir la panthère des neiges.

- J'adopte la même conduite que toi, tout simplement. Et si tu te crois si forte, viens m'attaquer. Je peux arrêter le combat quand je le désire : tu souffriras, moi aussi certes, mais beaucoup moins. Hep... reste là, Princesse Suffisante, et ressens...
Je lui envoyai l'une des plus puissantes décharges dont je disposais. La douleur fut telle que je crus que j'allais m'effondrer, mais je tenais le coup et parvins même à ne pas laisser passer plus qu'une grimace.
- Vous vous croyez les plus intelligents, mais en fait vous ne faites que vous renseigner auprès de ceux qui savent réellement. Quand à ton interrogatoire... oublie.
Je lançai une nouvelle et puissante décharge électrique. J'avais l'impression d'avoir des fourmis d'une puissante extrême dans tout le corps.
- Entre dire et faire, il y a un long trajet.

Cassiopée eut extrêmement mal. Elle serra les crocs, ricanant intérieurement, persuadée que son ennemie avait beaucoup plus mal qu'elle ne le prétendait.
-Je te l'ai dit. Je fais ce qui me plaît, et je n'ai pas d'ordres à recevoir d'une gamine de quinze ans ! Et toi, viens donc m'attaquer, puisque tu es si courageuse ! Je suis sûre que tu es incapable de te battre sans ton Don.
La panthère noire se déplaça lentement, comme une ombre, vers sa rivale.
-Tu te crois puissante avec ton Don, mais viendra un jour où tu rencontreras plus fort que toi.
Dédaigneuse, elle releva la tête et agita la queue avant de prendre la direction de son territoire.
-Tu peux être sûre que je reviendrais. J'ai été ravie de faire ta connaissance...
Et elle commença à s'éloigner, réfléchissant déjà à un moyen de faire payer son audace à cette ennemie.

Une fois la panthère noire partie, je crachai par terre et me laissai retomber près du ruisseau.
Mais pour qui se prend-elle ? "Tu te crois puissante mais un jour tu rencontreras plus fort que toi" Bon sang mais qu'elle se regarde deux minutes ! Elle ne sait pas se battre, que ce soit avec une Altération ou des compétences physiques ! Elle ne sait que renvoyer aux autres leurs attaques, à l'instar de la ridicule réplique "c'est celui qui le dit qui y est !" La prochaine fois, je me promet de lui arracher au moins une griffe.
- Elle croit qu'elle n'a pas à obtenir d'ordres d'une gamine de quinze ans alors que ma parole vaut bien mieux que la sienne. Utiliser son corps pour se défendre, comme le font les Arréziens, n'est absolument pas une preuve de foncière brutalité, mais de grandes capacités physiques qu'il serait dommage de gâcher. Les Athéniens, eux, ne savent qu'utiliser leurs cerveaux pour sortir des insultes et non pas pour argumenter. Voilà une preuve de stupidité qui contredit totalement ce que les Athéniens affirment être une puissante capacité de raisonnement. Ils ne font pas bon usage de leur intelligence et préfère cracher sur ceux qui préfèrent mettre en pratique leurs performances physiques... Ce sont des façons de fonctionner différentes, c'est tout. Moi je me tais, je me bas et j'électrocute. Eux l'ouvrent, insultent et oublient le reste.
Je ronchonnai ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, uniquement écoutée par le ruisseau qui couvrait le son de ma voix.
Je fus alors prise d'un de ces soudains accès de narcissisme si violent que j'eus envie de me suicider en m'observant continuellement à travers la surface de l'eau.
Tais-toi, espèce d'idiote.


- Mais... maman ! S'il te plaît ! Reste !
- Non, Luna. C'est ta destinée. Maintenant pars. Tu nous as trahis. Comprends que nous ne pouvons pas te garder avec nous.
- Mais je t'aime ! C'est suffisant, non ? Et cette force peut vaincre tous les Dons du monde !
- Va-t'en ! Tu n'as pas compris ? Tu n'es pas à ta place chez nous ici ! Tu es une Brute ! Une Arrézienne ! Va-t'en !
- Cassy, je t'en supplie, reste avec moi ! Pitié !
- Au revoir, Luna.
- Non ! Ne m'abandonnez pas ! Je vous en supplie !


- Tu ne m'as pas l'air très en forme, ma belle...
- J'ai été trahie par les miens, évidemment que je ne suis pas en forme, espèce de stupide créature. Vous ne possédez aucuns neurones, vous ne savez que frapper et agresser...
- Nous nous battons avec les armes que nous possédons. Ne crois-tu pas que les Athéniens en font de même ? Ils croient que leur parole vaut mieux que la nôtre, c'est faux. Utiliser son corps pour se défendre, comme le font les Arréziens, n'est absolument pas une preuve de foncière brutalité, mais de grandes capacités physiques qu'il serait dommage de gâcher. Les Athéniens, eux, ne savent qu'utiliser leurs cerveaux pour sortir des insultes et non pas pour argumenter. Ce sont des façons de fonctionner différentes, c'est tout. Ils n'ont pas à nous critiquer plus que nous les critiquons et n'ont absolument pas à nous dire de nous taire si nous ne leur demandons pas. Moi je me tais, je me bas et je maîtrise mes éléments. Eux l'ouvrent, insultent et oublient le reste.
- Vous savez quoi ? Allez crever en Enfer.

Je sursautai.

Tayris se déplaçait silencieusement sur son territoire, zigzaguant entre les arbres et les fourrés. La terre semblait étrange, comme chargée d’électricité. Se n'était pas la première fois que le coyote ressentait ce drôle de sentiment, et il commençait à se demander si ce phénomène n'était pas lié à quelque chose, ou plutôt quelqu'un.
Soudain, Tayris stoppa net sa progression, scrutant les alentours. Il lui sembler que quelqu'un s'y trouvait.
Instinctivement, le don du canidé se mit à fonctionner et on ne distinguait plus de lui qu'une vague silhouette. Il n'avait pas tort lorsque Tayris pensait avoir aperçut quelqu'un.
En effet une panthère des neiges se tenait à quelques pas de lui, près du cours d'eau.
S'arrêtant silencieusement, Tayris l'observa.

Me décidant enfin à me lever, je me mis à avancer en direction des Maisonnettes, où je pourrais m'endormir sans risque d'être dérangée.
Mais alors que je commençais à avancer, je heurtai quelque chose de tiède, de doux et surtout d'invisible. Prise au dépourvu, je tombai par terre. Ma truffe était entrée en contact avec ce qui semblait être un autre museau, froid et humide, comme l'était ceux de tous les animaux. J'observai plus attentivement l'obstacle invisible. Je remarquai alors une paire d'yeux verts qui flottaient dans les airs. C'était impossible... J'observai plus attentivement ce qui entourait ces yeux. Une silhouette, à peine détectable, se détachait très légèrement du décor. Les pattes prenaient la couleur des troncs des quelques arbres qui se trouvaient derrière elles, et le haut du corps avait exactement la couleur des aiguilles et des branches qu'on apercevait parfois. Gênée, je passai une patte sur ma truffe et me relevai maladroitement. Ce Don était purement physique, aussi je fus rassurée en constatant que c'était un Arrézien.
- B-bonjour...

La jeune panthère des neiges avait parlé toute seule pendant un certain temps. Beaucoup de mots étaient incompréhensible, plus gromelés que parlés, mais Tayris avait tout de même pu isoler des bribes de conversations.
Sûrement un Athéniens qui avait franchi les limites.
Après son monologue, la félidé s'était levée, avait fait quelques pas, et avait heurté le coyote qui, usant de son don, n'était presque pas perceptible.
La première réaction, plutôt un reflex je dirai, aurait été de fuir, de se cacher. Pourtant, le regard de la panthère semblait l'en enpécher. Le coyote était comme paralysé, telle une statue de marbre.
B-bonjour avait bégayé le félin à son égard. Elle n'était pas très jeune, un peu moins de la vingtaine, pourtant elle se déplaçait dans une sphère de confiance en soi.
zut. Découvert.
Bonjour, répondit en retour Tayris, n'usant plus de son don; il redevenait visible.

- Bonjour, me répondit simplement l'Arrézien en redevenant visible.
C'était un coyote, fort séduisant je l'admet, qui semblait légèrement troublé par mon allure, ma... façon de parler... je ne savais pas ce qui l'intriguait, mais c'était assez gênant.
Sans faire exprès, je lui envoyai une légère décharge via le sol.
- Oh, heu, je suis L-Luna, Chef des Arréziens...
Je commençais à présent à frissonner.

Que veut dire aimer
S'il n'est pas dit par toi,
Par ta gentillesse et ta beauté,
Qui savent si bien mettre mon cœur en joie.
Comment te dire
Ce que je ressens,
Face à ton sourire,
Tellement attendrissant.

Ce poème que ma mère me récitait souvent lorsque j'étais petite me tournoyait dans l'esprit, à présent.
Il est beau...
Par malheur, je prononçai le mot "beau" à voix haute.

La femelle, Luna, s'était présentée en tant que chef des Arreziens. Elle l'avait également électrocuté au passage... Tayris avait serré les dents, ne laissant rien paraître.
Enchanté, répondit le coyote, un peu tendu.
Moi, c'est Tayris. Je suis veilleur.
Un félidé pour chef ? Il ne manquait donc plus que ça pour égaillée cette journée !
C'est donc toi qui a prit la suite de Sky, notre ancien chef ? C'était un bon chef, surtout un canidé.
Tayris regardait les alentours, il n'appréciait pas cette situation. Devoir se battre aux côtés des félidés passaient encore, mais devoir obéir aux ordres de l'un d'eux ! D'un de ces ingrats, de ces erreurs de la nature ? Ils auraient mieux fait de mourir en même temps que les bipèdes, cela aurait évité bien des soucis. Mais... non. Ils étaient bien là, et un félin se tenait justement en face du coyote. Ce dernier essayait de déstabiliser du mieux qu'il pouvait la femelle, qu'elle continuait d'intriguer.
Au fait, au préalable, essaye de limiter l'électricité. Je tiens à rester en vie, merci. Il n'y avait dans la voix du coyote aucune trace de sympathie, ni-même d'ironie...

Les paroles du dénommé Tayris me vexèrent profondément, autant la phrase sous-entendant "Ha ! Un félin pour chef ? Quelle blague" que celle qui m'accusait de l'avoir agressé.
- Eh bien excuse-moi, mais je suis de mauvaise humeur.
Comme par réflexe, j'enchainais sur les phrases que m'avaient déjà dites ma mère :
- Ça vous arrivait souvent, à vous, pas vrai ? Toujours vouloir qu'on respecte ses petites humeurs, ne jamais supporter qu'on se croit au-dessus des autres.
Furieuse, je renvoyai à Tayris une décharge électrique, plus puissante cette fois. Après avoir subit mes propres attaques à cause du Don de l'Athénienne noire, pouvoir infliger mes décharges sans les subir me procurait le plus grand bien.
- Alors Miss Délicate, je te conseille de faire profil bas, et PASPARCEQUE (je prononçai ces mots à toute vitesse) je suis Chef, mais parce que la panthère que tu essaye d'effrayer depuis tout à l'heure va t'envoyer valser aux quatre coins du territoire si tu continue à m'énerver ! Alors si tu ne veux pas finir grillé comme une tranche de pain de mie, je te conseille de me respecter en tant que semblable !
Bouillante de rage, j'avais oublié toute ma sympathie et ma timidité. Je me souvins alors des disputes qui m'avaient opposée à - oui ! - Sky, l'ancien chef du clan, qui me serinait toujours "Calme-toi, Luna, la colère est traîtresse, elle ne t'attirera que celle des autres..."

La panthère des neiges s'était énervée. Elle avait envoyé une décharge électrique au coyote qui tressaillait.
Pourtant, mal gré les menaces que la chef ne cessait ne prononcer, Tayris resta de marbre, continuant à la regarder fixement.
Ecoute moi bien, Luna. J'ai vécu cinq ans de ma vie à me battre contre vous, les félidés. Mon opinion ne va pas changer du jour au lendemain, vous concernant. Tu es mon chef ? Bien. Pourtant, il me semble entendre un chaton qui n'a pas eu la meilleure pièce de viande.
Tayris avait prononcé ses propos d'une voix calme et posée, mais on distinguait tout de même une pointe de colère.
Elle se croie donc tout permis ?
Perdus dans ses paroles, le coyote ne pouvait s'empêcher de penser à sa vie d'avant. Sa famille qui l'aimait, avec la quelle il se battait contre leurs vrais ennemis, les félidés. La nature, propre et acceuillante, les rivières au goût pur et rafraîchissant. Plus rien ici ne me relie à ma vie d'avant... Qui était tellement mieux !

- Ce que tu ne sembles pas comprendre, rétorquai-je, c'est que cette guerre félin VS canidé est terminée, maintenant. Si tu continue à avoir des préjugés envers notre espèce, on ne va pas aller loin, et les clans vont finir par se diviser en "félin Arréziens", "canidés Arréziens", et vice versa chez les Athéniens.
J'avais retrouvé mon calme.Jusqu'à ce que ses suivantes paroles me reviennent à l'esprit. "Chaton" ? "Qui n'a pas eu la meilleure pièce de viande" ?
- Alors là, je te retourne ton sermon ! Non, je ne suis pas un chaton car oui je n'ai pas eu, comme tu dis, "la meilleure pièce de viande". Et j'ai vécu avec ça pendant 16 ans ! On m'a élevée de la même façon qu'un "rat de lobaratoire", puis je me suis faite abandonnée... Alors que toi, certes, tu as peut-être eu une enfance difficile avec tous ces vilains minous qui te traînaient autour, mais tu n'as subit aucun abandon, et ton seul et unique combat était celui que tu menais contre les félins. Moi, le "seul" combat que je menais était celui que je menais contre moi-même et contre mon Don qui désirait de développer alors que je souhaitais l'en empêcher afin de pouvoir rejoindre ma famille, et aucun Chef dans aucune tribu n'auraient réussit à me soutenir dans cette épreuve...
Pensive, je baissai la tête, puis conclus :
- Donc, j'en déduis que tu n'as aucune leçon à me faire quand à ma façon de vivre et à mes manières de politesse !

Tayris regardait toujours Luna, l'écoutant à moitié. Pourtant, le résumé de sa vie l'intriguait, pour ainsi dire le captivait.
Pourtant la femelle ne faisait que l'énerver encore plus. Elle, toujours elle !
Tu crois être la seule à avoir eu une vie difficile ? J'ai été également séparé de mes parents. Je suis pourtant encore en vie.
Le coyote se détourna de la panthère, de peur de s'emporter. Il fit quelques pas, s'approchant du ruisseau pour en boire quelques gorgées... Qu'il eu du mal à avaler; tant le goût était exécrable. Pouah ! Maudite météorite.
Dans la tête du canidé défilaient les images du combat qu'il l'avait opposé à ses parents. Des coyotes ensanglantés, suffocants, le regardant de leurs yeux vides et suppliants... Tayris avait mis du temps à se remettre de cette épreuve. Maintenant, il pensait juste que s'était une épreuve comme les autres, qu'il aurait très bien pu mourir sous leurs crocs également.
Au moins, on ne pourra pas m'accuser d'être fidèle... Par mégarde, Tayris avait prononcé ces mots à voix haute.

Je haussai les sourcils, puis soupirai.
Ça ne sert à rien de discuter avec lui. Il est borné, désagréable et égoïste. Maman avait tout compte fait peut-être raison sur ces canidés... quoi qu'il en soit, qu'il ne compte plus sur moi pour lui adresser la parole tant que je n'y serais pas contrainte.
Je m'éloignai de quelques pas puis me laissai retomber au bord du fleuve, là même où, quelques minutes auparavant, j'avais pêché mon thon, alors que je ne me doutais encore pas des odieux personnages que j'allais rencontrer.
Je regardai un instant Tayris boire avec dégoût l'eau du fleuve, puis le tournai résolument le dos.
Na.
Quelle enfant je faisais...

La panthère des neiges s'était éloignée, tournant le dos au coyote. Ce dernier ne tarda à la rejoindre, faisant comme si s'était la première fois qu'il la rencontrait.
Bonjour, commença t-il Mon nom est Tayris. Je suis un veilleur de la tribu des Arreziens. Qui es-tu ?
N'oubliant en rien les propos déplacés de Luna, le canidé s'efforçait pourtant de paraître sympathique; ce qui réussissait plutôt bien, en règle générale.
La femelle était plutôt agréable à regarder, même plutôt jolie. Pourtant, elle n'en restait pas moins une félidé, alors Tayris détourna son regard, portant son attention vers les fleurs qui poussaient à la lisière de la forêt. Certaines étaient jaunes, d'autres un peu plus foncées. Elles ressemblaient aux fleurs que plantaient les humains, à l'époque où ils occupaient encore cet espace pendant l'été. Fouillant dans ses pensées, le coyote se rapella qu'on les nommaient Jonquilles.
Regarde, lança Tayris à Luna. Ce sont des jon-quille. Des fleurs que les humains adoraient. Tu les as connus, les humains ?

Tayris s'avança vers moi, et se présenta comme si on ne venait pas de se parler, puis il me parla de "jonquilles" pour enchaîner avec la question fatale : "tu as connus les humains ?"
- Non, répondis-je en m'efforçant de garder une certaine froideur dans ma voix.
Je tournai la tête en direction du fleuve qui s'éloignait, je ne sais où.
- Non, je suis née quatre ans après l'extinction de leur espèce, mais j'ai retrouvé quelques traces de leur passage sur terres. Comme des plaques noires, dures et qui reflètent notre visage.
Je soupirai, agacée malgré moi de vouloir poursuivre cette discussion.

Non, je suis née quatre ans après l'extinction de leur espèce, mais j'ai retrouvé quelques traces de leur passage sur terres. Comme des plaques noires, dures et qui reflètent notre visage.
_ C'est bien ce que je pensais. Les humains appelaient ça " métal." Il s'en servait un peu partout, pour construire leurs maisons, et bien d'autres choses... Comme par exemple des longs bâtons qui peuvent tuer à distance.
Tayris tressaillait à cette pensée. Finalement, l'extinction des bipèdes avait aussi du bon.
Tant mieux pour toi, si tu ne les a pas connu. C'était des grands animaux, un peu comme des singes, avec le museau plat et de la fourrure uniquement sur la tête. Sur le reste de leur corps, ils pouvaient enlever leur fourrure, les remplacer par d'autres...

Soudain, je fus sujette à l'une de mes fréquentes sautes d'humeur :
- OK. J'ai pas vraiment envie de parler de ces trucs. On n'a qu'à parler des donisaures, ou... Oh zut ! de notre clan. Mais tu m'excuseras, on n'a aucun Bipède ici donc... ça ne sert à rien de s'éterniser à ce sujet.
Luna, voyons...
"Sois plus agréable" me dit une voix qui ressemblait étrangement à celle de Sky.
Pas ma faute.
"Il ne t'a rien fait !"
- Excuse-moi, j'ai toujours été superbizarre, soupirai-je. Je ne sais pas me contrôler. Je suis folle, bête et masochiste.

Tayris baissa la tête. Je suis nul.
Excuse-moi, j'ai toujours été superbizarre, soupirai-je. Je ne sais pas me contrôler. Je suis folle, bête et masochiste.
Le coyote fut amusé par cette réplique.
Ne raconte pas n'importe quoi... Mais il est vrai que les félidés peuvent être tout particulièrement bête lorsqu'ils s'y mettent... répondit le canidé avec une pointe d'amusement dans la voix.
Zut, zut, et encore zut. J'espère qu'elle ne le prendra pas mal.. Il ne manquerait plus que ça. Mais après tout, je n'ai pas tout à fait tort...

Pour cacher son anxiété, Tayris décida de reporter son attention sur un autre sujet.
Tu disais donc la meute ? Oui. Je n'ai vu personne, jusqu'ici, à part toi bien sûr. Y a t-il d'autres... Arreziens ?

Je sentis une nouvel accès de rage me gagner.
"Il ne fait pas exprès, il le pense mais fait des efforts pour ne pas le dire..."
Il y a des choses qu'on ne doit pas penser !
- Ah oui ? Parce que peut-être que tu n'es pas bête quand tu t'y met, toi aussi ? Bête de croire que je suis assez stupide pour accepter de changer de sujet ? Eh ben tu sais quoi ? Ta meute, tu peux te la mettre où je pense ! Parce que premièrement, les meutes désignent des clans de canidés, des meutes de loups, des meutes de chiens, et est-ce que tu m'as entendu parler de "tribu" de félins ? Non ! Et deuxièmement, tu peux te mettre ta meute où je pense parce que tu commences sérieusement à me gonfler et ne me sors surtout pas qu'une gamine de mon âge n'a pas à t'engueuler parce que sinon je te transforme en tranche de pain grillé !
Aussitôt, je lui envoyai une puissante décharge.